“Devant nous, s’amoncelant comme à plaisir, de nombreux débris de roches sur lesquels il faut poser le pied avec la plus grande attention pour ne pas glisser, obstruent le passage et ne nous permettent plus d’avancer qu’avec une extrême lenteur. Habitué aux marches en montagne, je ne suis pas trop déplacé au milieu de mes intrépides compagnons, et, à part quelques glissades inoffensives puisque la douloureuse entorse n’en est pas la redoutable conséquence, je me tire à la satisfaction générale de ce mauvais pas. Tout autre devient bientôt la physionomie des lieux : le sol est plat, la désagréable rocaille a disparu, un défilé apparaît. Quelques instants de repos, bien mérités d’ailleurs succèdent à ces minutes agitées, et j’en profite pour admirer le paysage merveilleux qui s’offre à ma vue. Soudain, Genevois, qui déjà a passé le petit col pour étendre le cercle de ses investigations, pousse une exclamation de joie et, se jetant de côté, nous fait signe d’avancer. Avec précaution, braquant à nouveau sa lunette sur une pointe de rocher que couronne un pré minuscule, il aperçoit pour la deuxième fois un point noirâtre qu’il nous montre aussitôt et qui nous fait tressaillir d’aise. Nul doute, les chamois sont là, et cette ombre qui se dessine contre la muraille est celle de leur sentinelle !”